Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, Jésus quitta le territoire de Tyr ; passant par Sidon, il prit la direction de la mer de Galilée et alla en plein territoire de la Décapole. Des gens lui amènent un sourd qui avait aussi de la difficulté à parler, et supplient Jésus de poser la main sur lui. Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui toucha la langue. Puis, les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! » Ses oreilles s’ouvrirent ; sa langue se délia, et il parlait correctement. Alors Jésus leur ordonna de n’en rien dire à personne ; mais plus il leur donnait cet ordre, plus ceux-ci le proclamaient. Extrêmement frappés, ils disaient : « Il a bien fait toutes choses : il fait entendre les sourds et parler les muets.
Que l’on soit de Marseille ou d’ailleurs, tous, nous prenons du plaisir à enjoliver les anecdotes qui nous ont été racontées et qu’à notre tour nous transmettons à notre entourage. Nous rajoutons de multiples détails qui les rendent plus savoureuses, plus haletantes, plus extraordinaires, plus rigolotes ou plus sérieuses. Cela se fait en aggravant le cas raconté, et en ajoutant des détails imaginés par nous, car nous n’avons pas été témoin de l’affaire. « La morale de l’histoire » que nous dispensons alors à notre auditoire peut être partiellement faussée!
Ainsi dans l’évangile, les habitants de la Décapole tirent des conclusions hâtives sur une guérison à laquelle ils n’ont pas assistée, car st Marc précise dans l’évangile que Jésus emmena l’homme à l’écart, loin de la foule. En affirmant que Jésus fait entendre les sourds et parler les muets, ils partent d’un mauvais diagnostic (sourd et muet) et font une mauvaise conclusion ! En effet, le texte d’évangile dit : Des gens lui amènent un sourd qui avait aussi de la difficulté à parler. Ce qui n’est pas tout à fait la même chose, vous en conviendrez. Est-il sourd de naissance, sourd car devenu tel avec l’âge, etc… en effet, ce n’est pas vous qui me direz le contraire : quand on entend mal, on comprend parfois de travers et on risque de répondre à côté de la plaque. Ce genre de réponses décalées, nous les faisons tous un jour ou l’autre. Et pour tout dire, notre malade dans l’Evangile souffre de cela. Comme il entend mal, il n’ose plus parler ou répondre, de peur d’être à côté de la plaque. Du coup, sa langue est « liée ». Nous le savons, plus on devient sourd, plus on a tendance à se replier sur soi !
Maintenant, sachant tout cela, je voudrais approfondir la compréhension des gestes de Jésus et leur signification. D’abord, arrêtons-nous sur les gestes de Jésus : il y a en a 3 : il met ses doigts dans les oreilles de notre homme (1), puis, avec sa salive lui touche la langue (2), et dans le même temps, il soupire et lui dit « effata » (3). Vous aurez compris je pense, que si les doigts de Jésus sont dans les oreilles de notre homme, c’est que Jésus touche la langue de l’homme avec la sienne. « les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : » Effata ! « , c’est-à-dire : » Ouvre-toi. « Jésus tourné vers son Père envoie dans la bouche de cet homme son souffle c’est à dire son Esprit de vie. Elle est bien étrange cette manière de procéder de Jésus : mettre les doigts dans les oreilles d’un mal entendant, et puis lui dire à voix basse « ouvre-toi »… il a peu de chance d’être entendu, c’est le cas de le dire !
En fait, quand Jésus dit « éphphatha » il le dit à l’homme en entier, il ne dit pas aux oreilles « ouvrez-vous » mais à l’homme « ouvre-toi ! ». Vous comprenez bien que dure de la feuille, notre homme se replie sur lui-même. En le guérissant de son audition défaillante, Jésus le guérit d’un mal plus grand encore : l’isolement. Maintenant qu’il entend bien, il peut à nouveau entrer en communication, d’ailleurs l’évangile nous dit, « Ses oreilles s’ouvrirent ; sa langue se délia, et il parlait correctement. » Jésus a ouvert à la vie divine et à la relation avec les autres un homme qui, mal entendant et donc mal parlant, ne pouvait plus entrer en communication avec d’autres personnes ni vivre normalement dans la cité.
C’est bien à une double lecture de l’évangile que nous sommes invités, derrière la guérison de la surdité qui permet à nouveau de parler correctement, il y a le don de la vie divine qui nous donne d’entendre la Parole de Dieu et de la propager à notre tour. En recevant en lui le souffle du Christ, l’homme guéri devient un communicant, un témoin de l’œuvre en lui de Dieu.
Cet homme en sa personne est la réalisation de la prophétie d’Isaïe entendue dans la 1° lecture : « c’est la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver… Alors … s’ouvriront les oreilles des sourds. » et cela se réalise aussi pour nous aujourd’hui, quand le Seigneur dépose en nous son esprit de vie qui devient source d’eau jaillissant dans nos désert intérieur, « L’eau jaillira dans le désert, des torrents dans le pays aride. ». Il dépose en nous son Esprit Saint pour que notre âme et toute notre vie sociale fleurissent, pour que « La terre brûlante se changera en lac, la région de la soif, en eaux jaillissantes. ». Quand nous recevrons son Corps à la communion, demandons au Seigneur de transformer la terre brûlante de notre âme et notre cœur assoiffé d’amour en sources pour que d’autres aient l’audace de venir s’y désaltérer et ainsi trouver sens à leur vie. Amen