Lecture du livre des Nombres
Le Seigneur parla à Moïse. Il dit : « Parle à Aaron et à ses fils. Tu leur diras : Voici en quels termes vous bénirez les fils d’Israël : “Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix !” Ils invoqueront ainsi mon nom sur les fils d’Israël, et moi, je les bénirai. »
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Galates
Frères, lorsque est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et soumis à la loi de Moïse, afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi et pour que nous soyons adoptés comme fils. Et voici la preuve que vous êtes des fils : Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs, et cet Esprit crie « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils, et puisque tu es fils, tu es aussi héritier :
c’est l’œuvre de Dieu.
Chers frères et sœurs, ils sont nombreux ceux et celles qui depuis quelques jours dans les médias font une rétrospective souvent peu reluisante de l’année 2018 qui s’achève. Certes il y a notre capacité trop humaine à ne retenir que ce qui est dur, mauvais, blessant, moche, idiot ou superficiel, etc. Mais il y a peut être aussi une espèce de sentiment croissant que notre monde occidental part en cacahuète, qu’il dérive sans fin vers l’individualisme, le relativisme moral et la mondialisation uniformisante. Il semble aussi que ceux de ce monde qui refusent cette dérive ne sachent pas contester autrement qu’en étant violents et parfois xénophobes, déployant un discours nationaliste extrême. Le repliement sur soi est la mauvaise réponse à la mauvaise proposition de s’ouvrir totalement à tous les vents de doctrine et de propositions sociétales.
Et pour beaucoup la faute incombe d’abord au personnel politique, plus enclin à se servir de leur peuple plutôt qu’à les servir. Mais si les hommes et les femmes politiques ne sont pas tous à la hauteur des enjeux, on ne peut pas (on ne doit jamais) les condamner tous et encore moins jeter la politique aux oubliettes. Il s’agit donc, et c’est le sens du message du Pape ce premier janvier, de réhabiliter la politique et d’aider les hommes politiques à être de véritables serviteurs de la paix.
C’est pourquoi, ce matin, je voudrai avec vous partir d’un verset de la première lecture tiré du livre des nombres : Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! Celui qui veut servir la paix sur terre et dans son peuple doit donc la recevoir d’abord de Dieu : la paix vient à nous quand le Seigneur tourne vers nous son visage. Or à quel moment cela est-il plus vrai qu’en ces jours où nous célébrons la naissance du Sauveur, le nouveau-né couché dans la mangeoire ! Car il est le prince de la paix comme nous l’avons proclamé lors de la veillée de Noël. Il est Dieu qui vient à la rencontre des hommes et des femmes de tous les temps pour leur apporter la vraie paix. Il est le visage de Dieu que nous pouvons contempler et sur lequel rayonne la paix de Dieu. On peut même aller plus loin, en sa personne il est la paix que Dieu nous donne. Ainsi, en accueillant l’Esprit saint dans notre propre vie, en essayant de vivre sous sa conduite, nous pacifions nos vies et nous nous christifions. Il nous libère de tous nos esclavages et nous prépare à notre adoption divine, comme le rappelle saint Paul dans sa lettre aux Galates : Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs… Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils.
Croyant cela, que notre prière, ce matin, monte vers le Seigneur pour tous ceux et celles qui œuvrent à la paix dans le monde. Prions pour que tout le personnel politique dans le monde, travaillé au feu de l’Esprit Saint, vivent sa mission fidèlement aux, ‘‘béatitudes du politique’’, proposées par le Cardinal vietnamien François-Xavier Nguyễn Văn Thuận, mort en 2002 : Heureux le politicien qui a une haute idée et une profonde conscience de son rôle. Heureux le politicien dont la personne reflète la crédibilité. Heureux le politicien qui travaille pour le bien commun et non pour son propre intérêt. Heureux le politicien qui reste fidèlement cohérent. Heureux le politicien qui réalise l’unité. Heureux le politicien qui s’engage dans la réalisation d’un changement radical. Heureux le politicien qui sait écouter. Heureux le politicien qui n’a pas peur.
Certes, de tels politiques établiraient un règne de paix dans notre monde ! Car, rappelle le pape dans son message, La paix est le fruit d’un grand projet politique.
Cependant, il faut aussi que chacun de nous, à son niveau, établisse la paix en lui et autour de lui car le pape ajoute encore : que ce projet politique se fonde sur la responsabilité réciproque et sur l’interdépendance des êtres humains.
Ainsi [la paix] est aussi un défi qui demande à être accueilli jour après jour. La paix est une conversion du cœur et de l’âme. Et le pape propose trois pistes, qui sont indissociables selon lui, pour établir la paix :
– la paix avec soi-même, en refusant l’intransigeance, la colère et l’impatience et, comme le conseillait saint François de Sales, en exerçant ‘‘un peu de douceur avec soi-même’’, afin d’offrir ‘‘un peu de douceur aux autres’’ ;
– la paix avec l’autre : le proche, l’ami, l’étranger, le pauvre, le souffrant… ; en osant la rencontre et en écoutant le message qu’elle porte avec elle ;
– la paix avec la création, en redécouvrant la grandeur du don de Dieu et la part de responsabilité qui revient à chacun d’entre nous, en tant qu’habitant du monde, citoyen et acteur de l’avenir.
Ainsi, Dans la joie de cette année qui commence, avec Marie, mère de Dieu et Reine de la Paix, offrons à Dieu cette eucharistie pour que s’établisse la paix dans nos cœurs et dans le cœur des politiques, dans nos familles et dans les partis politiques, dans notre pays et dans le cœur des gouvernants du monde entier. Amen