Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une, n’abandonne-t-il pas les 99 autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ? Quand il l’a retrouvée, il la prend sur ses épaules, tout joyeux, et, de retour chez lui, il rassemble ses amis et ses voisins pour leur dire : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue !’ Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion. Ou encore, si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison, et chercher avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines pour leur dire : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !’ Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit.
Ce matin, la vertu de patience est au cœur de toutes les lectures que nous venons d’entendre. Demandée pour soi ou exercée envers les autres, elle est illustrée par chacune des lectures ce matin. Ainsi, Moïse invite Dieu à la patience envers son peuple dans l’Exode, dans le psaume le pénitent invite Dieu à la patience envers lui, dans sa lettre à Timothée, Paul rappelle combien la patience du Christ fut bénéfique à son égard et dans l’Evangile, Jésus révèle la patience de Dieu qui prend tous les moyens pour apporter le Salut à tous ceux qui en ont besoin.
1/ pourquoi la patience est-elle nécessaire? Si pour vous la route de la maitrise de soi et du choix systématique du bien est encore longue et ardue, alors vous rejoignez saint Paul qui écrit au chapitre 7 de sa lettre aux Romains : «Je ne réalise pas le bien que je voudrais, mais je fais le mal que je ne voudrais pas. » Cette expérience vous inscrit dans l’humanité, celle qui fut abîmée par le péché est entravée dans son désir de faire en toute chose la volonté de Dieu. Et le premier fruit de cet empêtrement dans le péché est l’impatience qui porte à désirer tout et tout de suite, faisant percevoir la moindre attente comme une perte de temps voir un outrage à celui qui la supporte alors qu’il a besoin immédiatement de la réponse qu’il demande. Et le constat est le même qu’on parle de vie spirituelle ou matérielle, sentimentale ou professionnelle. Ce désir d’immédiateté amène souvent à faire l’inverse de ce que notre cœur désire vraiment, à savoir : vivre en communion avec Dieu et les autres. C’est la première lecture qui nous en livre une belle illustration : le peuple Juif qui vient de prendre les chemins de la liberté grâce à Dieu qui le guide vers la terre promise, impatient de ne pas voir revenir Moïse, parti au Sinaï, se fabrique une idole, un veau d’or, à honorer. Au lieu de vivre l’absence comme une préparation intérieure à la rencontre avec Dieu, le peuple juif préfère une idole visible, disponible sans délais et muette, permettant ainsi à chacun de mettre sur ses lèvres les réponses qu’il souhaite. Si nous aussi nous trouvons Dieu lent à répondre à nos appels et à faire notre volonté, prenons la décision d’exercer la patience.
2/ que permet la patience ? Vous aurez remarqué comme moi que nous demandons aux autres d’être patients envers nous alors que nous le sommes assez peu avec eux. Gare à l’enfant qui ne range pas illico presto sa chambre, à l’ami qui tarde à répondre à l’invitation, au curé qui ne donne pas une date de rdv dans la minute, et quant à ce Dieu qui tarde à nous répondre ! La patience est un cadeau à faire aux autres : elle leur offre un temps de maturation et de discernement. Et l’exercer permet de mettre à leur juste place des évènements et à prendre la bonne mesure pour les décisions importantes. Mon père spirituel me dit toujours « avant de prendre une décision laisse passer au moins une nuit et une messe » La patience donne du temps à celui qui se croit contraint. Elle lui offre la possibilité de se poser et de réfléchir, de peser les différentes options qu’il a et leurs implications. Elle est à la fois le temps de marche à travers le désert pour retrouver la brebis perdue, le temps du ménage pour retrouver la pièce en argent perdue.
3/ que vise la patience ? Elle vise les retrouvailles au-delà des agacements, des malentendus, des déceptions. Elle est ce temps béni où l’image abîmée que j’ai de l’autre peut être restaurée. Elle est le temps de la miséricorde. A la source de celui qui patiente, il y a le désir de sauver, à la source de celui qui implore la patience, il y a le désir d’accomplir sa vocation, le désir d’être prêt à la divinisation. Entendez le beau témoignage que Paul livre à Timothée : s’il m’a été fait miséricorde, c’est afin qu’en moi le premier, le Christ Jésus montre toute sa patience, pour donner un exemple à ceux qui devaient croire en lui, en vue de la vie éternelle. Chers amis en exerçant la patience envers un autre, vous lui offrez un temps de conversion. En patientant de vous voir revenir à Lui, Dieu vous permet peu à peu, par sa miséricorde, de vous christifier, de vous affermir dans votre vocation d’être pour Lui ses enfants bien-aimés.
Conclusion. Sœur Marie-Régis, votre vie auprès des malades puis des prisonniers est une belle illustration de mon propos. Elle a été une école de la patience pour soutenir, encourager, ne pas juger, ni condamner. Elle fut l’école de l’espérance qu’un être nouveau, pardonné et libéré peut naître des décombres d’une vie abîmée ou ratée. Vous me l’avez partagé tant de fois. Aussi je vous dis un grand merci pour vos années de mission si fructueuses à Lons et je remercie aussi chacun de vous ce matin : vous m’avez écouté patiemment, exerçant par là l’une des 7 œuvres de miséricorde spirituelle qui vous sanctifie, celle de supporter les personnes ennuyeuses.
Ce matin, donc dans la joie célébrons l’Eucharistie, c’est-à-dire l’action de grâce, pour la présence et les œuvres parmi nous de sœur Marie-Régis et également par anticipation, pour tous ceux que notre patience permettra de grandir. Amen