Évangile selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. » Mais Jésus répondit : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Alors le diable l’emmène à la Ville sainte, le place au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Jésus lui déclara : « Il est encore écrit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » Le diable l’emmène encore sur une très haute montagne et lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire. Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si, tombant à mes pieds, tu te prosternes devant moi. » Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. » Alors le diable le quitte. Et voici que des anges s’approchèrent, et ils le servaient.
Quelle chance nous avons, nous qui entrons dans le carême en sachant que la fête de Pâques se profile déjà à l’horizon. En effet, nous croyons que le Seigneur Jésus est victorieux de la mort et du péché ; nous savons qu’il a emporté le combat contre Satan ! Alors connaissant la fin de l’histoire, essayons de bien vivre ce temps de carême dont les prières du mercredi des cendres rappelaient qu’il est un combat spirituel nécessaire pour purifier nos vies et les orienter vers Dieu le Père.
Malheureusement, beaucoup de chrétiens, par peur des sacrifices à consentir, désertent le combat spirituel. Cela les conduit toujours à une espèce de tiédeur morale et à un affadissement de la foi. Et peu à peu on finit par trouver normal tout ce que l’esprit du monde et la culture de mort propose. C’est que le serpent des origines continue son œuvre en chuchotant aux oreilles des hommes et des femmes de ce temps les « bonnes raisons » de faire grandir en eux la défiance vis-à-vis du Dieu de Jésus Christ. Aujourd’hui plus que jamais le démon susurre aux oreilles des hommes de ce temps qu’il faut aller jusqu’au bout de la manipulation, de la marchandisation et de l’exploitation de la vie. Satan ne cesse de harceler l’esprit des hommes et des femmes de ce temps leur laissant croire d’une part que Dieu leur cache des choses et d’autre part que les découvrant ils seront comme des dieux, connaissant le bien et le mal. Et comme à l’origine, l’homme, piégé par le mal, ne découvre rien d’autre que sa propre limite, sa nudité originelle, son statut de créature voulue par Dieu.
L’homme et la femme ne sont pas Dieu par nature mais uniquement dieu par grâce. C’est Jésus qui les divinise par les sacrements et par la vie sacramentelle qu’ils exigent.
Il nous faut donc choisir : ou bien mettre notre foi en Christ et recevoir de sa mort et sa résurrection notre adoption divine ; ou nous laisser berner par Satan et rêver de nous emparer par nous-mêmes de la divinité pour être des dieux à la place de Dieu.
Choisissons donc la foi en Christ ! Elle nous permet de démasquer les serviteurs du mal. Nourrissons-la, renforçons-la et purifions-la par le combat spirituel qui nous permet de reconnaître puis de rejeter le mal qui agit dans nos vies et de choisir toujours à nouveau de servir le bien et la culture de la vie et de l’amour.
C’est en cela que le combat spirituel de Jésus, décrit dans l’Evangile que nous venons d’entendre, est un modèle pour nous. Jésus vient démasquer le mal au cœur même de l’acte de foi. Le diable se sert des paroles de Dieu pour détourner Jésus de Dieu son Père. Il utilise la Parole de Dieu pour opposer Jésus à son Père, comme parfois nous justifions le mal que nous faisons en donnant des références bibliques.
Le combat spirituel consiste donc déjà à ne pas utiliser à tort l’Ecriture, mais à poser un acte de foi radical : Jésus a confié l’interprétation des Ecritures (de la Bible) aux pasteurs de son Eglise. Les enseignements des papes et des évêques, éclairés par le travail des biblistes et des théologiens, sont les pierres solides sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour bâtir notre vie au service de la Vie et de l’Amour.
Jésus va donc affronter le mal dans les trois domaines où nous sommes le plus tentés : l’avoir, l’être et le pouvoir.
1/En renonçant à transformer les pierres en pain pour se nourrir, Jésus renonce à posséder des choses par lui-même. Il consent à les recevoir de Dieu et nous invite à faire de même. Posons un acte de foi : Dieu nous donne, par la création et par son Fils, toutes les nourritures nécessaires à l’entretien de notre corps et pour rassasier notre âme du vrai sens de la vie.
2/En renonçant à mettre Dieu à l’épreuve, Jésus nous invite à renforcer notre foi en notre adoption divine. Comme le dit st Paul aux chrétiens de Rome : par l’obéissance [de Jésus] seul la multitude sera… rendue juste. Par notre baptême dans sa mort et sa résurrection, Jésus a fait de nous ses frères et sœurs. Dès lors Dieu veille sur nous comme un Père. Pas besoin qu’il nous le prouve à chaque instant !
3/ Enfin en renonçant à s’incliner devant Satan, Jésus nous aide à replacer le diable et ses œuvres à leur juste place. Il n’est rien d’autre qu’un ange déchu et orgueilleux. Pour le combattre et le faire fuir il suffit d’aimer Dieu et d’invoquer son amour pour nous !
Alors, sûrs que Dieu est notre Père et qu’Il refait nos forces par l’Eucharistie et la réconciliation, et appuyés sur l’Enseignement de l’Eglise, menons sans peur le combat spirituel d’une part pour résister efficacement aux vaines tentations du prince de ce monde et d’autre part pour affermir en nos cœurs la réalité de notre divinisation à venir. Amen