méditation du Vendredi de l’octave de Pâques : le Victimae Paschali

par le père Christian Panouillot

Victimae paschali laudes immolent Christiani.
Agnus redemit oves :
Christus innocens Patri reconciliavit peccatores.
Mors et vita duello conflixere mirando :
dux vitae mortuus, regnat vivus.
Dic nobis Maria, quid vidisti in via ?
Sepulcrum Christi viventis,
et gloriam vidi resurgentis :
Angelicos teste, sudarium, et vestes.
Surrexit Christus spes mea :
praecedet suos in Galilaeam.
Scimus Christum surrexisse a mortuis vere :
tu nobis, victor Rex, miserere.
Séquence de Pâques

À la victime pascale, chrétiens, offrez vos louanges.
L’agneau a racheté les brebis :
Le Christ innocent a réconcilié les pécheurs avec le Père.
La mort et la vie s’affrontèrent en un duel prodigieux :
Le Maître de la vie mourut : vivant, il règne.
Dis-nous, Marie Madeleine, qu’as-tu vu en chemin ?
J’ai vu le sépulcre du Christ vivant,
j’ai vu la gloire du Ressuscité.
J’ai vu les anges ses témoins, le suaire et les vêtements.
Le Christ, mon espérance, est ressuscité :
il précédera les siens en Galilée.
Nous le savons : le Christ est vraiment ressuscité des morts.
Roi victorieux, prends-nous tous en pitié !
Une interprétation très sobre qui me semble correspondre au temps que nous vivons: https://www.youtube.com/watch?v=Ty9eJAL9Ybg

Chers frères et sœurs nos chers amis.

Nous avons vécu un vendredi saint douloureux. La contemplation du Christ en Croix qui a donné sa vie par amour pour les hommes de tous les temps et pour chacun en particulier comme le rappelle st Paul : « le Christ m’a aimé, et s’est livré pour moi »(Ga 2,20) . Sur la Croix Il intercédait pour les pécheurs. Nous aussi nous portions nos frères et sœurs qui sont victimes de la pandémie, comme notre Maître et Seigneur, nous essayons de l’imiter dans sa compassion envers nos frères. En définitive c’est toujours Jésus qui souffre en nos frères, touchés par la maladie, l’angoisse, la solitude.
Puis le matin de Pâques ce fut pour moi comme si la tourmente s’apaisait. La liturgie nous donnait la douceur de la présence de Jésus ressuscité. Présence qui n’est pas de l’ordre d’une copie d’Apollon sortant des enfers, comme souvent on la représente, mais plus une présence simple comme nous la découvrons dans les évangiles. Les anges annoncent la nouvelles aux femmes qui l’apporteront aux disciples tenus confinés dans le Cénacle par peur.

Telle est la séquence de Pâques que j’aimerais méditer avec vous. – Les séquences sont des poésies chantées pour les grandes fêtes liturgiques avant la proclamation de l’évangile -. Ceux qui ont suivi la messe de Pâques à France 2 ont pu l’entendre. Non seulement parce que sa belle mélodie atteste son ancienneté, elle est datée du XI°s et fut composée en Suisse. Mais bien plus encore, parce qu’elle est un résumé de la foi pascale.
Si nous n’avons pas pu célébrer dans nos églises la fête de Pâques, nous le ferons désormais avec une foi et une joie renouvelées chaque dimanche. Chaque dimanche en effet nous célébrons la Résurrection très sainte du Seigneur Jésus.

Il est « la victime offerte pour nos péchés » . « Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche » (Is 53, 7). A l’autel « l’hostie » qui signifie victime, devient le Corps du Seigneur et le vin son Sang. Il est l’agneau, sans tâche, qui se donne en nourriture pour notre âme. Le recevoir pour vivre de Lui, « vivre pour moi c’est le Christ ». (Ph 1,21) dit st Paul.
L’agneau qu’est le Christ a racheté les brebis que nous sommes. Oui « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Le repas pascal annonce comme dans l’Apocalypse l’Agneau victorieux et cet Agneau c’est le Christ.

Le Christ innocent a réconcilié les pécheurs avec le Père. Sa mort est le don de lui même pour l’humanité . « Heureuse faute qui nous valut un tel Redempteur » (liturgie de la nuit pascale) et st Paul dira « là où le péché a abondé, la grâce surabondé » Rom 5,20. Par sa vie le Christ, n’est allé que chercher les brebis perdues d’Israël. Ce n’est pas tant son péché qu’’il faut regarder mais l’amour que Dieu a pour chacun d’entre nous. Le drame de la Croix, est un appel à garder en nos coeurs cet amour dont nous sommes aimés. Nous avons souvent tellement de mal à nous savoir aimé, ou à accepter d’être simplement aimé. A la fin du journal d’un curé de campagne » Bernanos mettait sur les lèvres de ce prêtre mourant ces paroles si vraies « il est plus facile qu’on ne le croit de se haïr, et si tout orgueil était mort en nous, la grâce des grâces serait de s’aimer, humblement comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus Christ ».
Accepter de s’aimer comme nous sommes, lucidement, et s’aimer avec la croix qui est la nôtre car nous continuons la passion de Jésus sur la terre. La croix douloureuse qui se transforme en une passion pour Dieu et nos frères. Cet amour pour Dieu et pour nos frères devient missionnaire « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on vous reconnaitra pour mes disciples »(Jn 13,35). Aimer ce n’est pas de la mièvrerie. Je pense à Charles de Foucault qui voulait discuter avec le prêtre mais ce dernier lui a indiqué l’obscurité du confessionnal pour l’écouter. Et c’est en s’agenouillant dans l’obscurité de cet intérieur qu’il va entrer dans l’obscurité de son âme. Il s’est laissé toucher par la grâce et le sang de la Rédemption a coulé pour laver ses péchés. Il est sorti converti, racheté, en paix. Il a rencontré le Christ.

La mort et la vie s’affrontèrent en un duel prodigieux.

Il a vaincu la mort, comme dans un duel. Jusqu’à la fin des temps la mort et la vie seront en conflit, la grâce et le péché. Nous sommes dans cette situation, et notre espérance se fonde sur la victoire du Vivant sur la mort. Comme Jésus nous avons à apporter la vie dans les situations de morts temporelles ou spirituelles que nous connaissons. La résurrection inaugure un combat contre le mal, un combat de la vie sur le Mal.
Depuis Pâques les pécheurs ne sont plus écrasés par leurs péchés, ils bondissent comme des agneaux en fête, pardonnés. Marie Madelaine en tête d’une liste qui n’aura pas de fin. Cessons donc de rester à discutailler, à se justifier, ouvrons nos âmes dans le sacrement de la pénitence et de la réconciliation,ouvrons nos âmes à Jésus que le prêtre représente. Laissons le nous inonder de sa lumière pascale. Sa douce présence d’un printemps. Et si c’est l’orgueil qui nous empêche de progresser. «  Ce n’est pas le pécheur qui va se confesser, mais c’est Dieu qui court au cou du pécheur » St Jean Marie Vianney.
Marie-Madelaine ne comprend plus. Mais nous,nous pouvons comprendre qu’elle l’aimait. C’est parce qu’elle l’aimait et que ne le voyant plus, elle le cherchait avec plus d’empressement. Voici la foi, elle consiste à chercher Dieu, entrer dans son mystère sur nos chemins, comme le feront les disciples d’Emmaüs . Eux aussi aimait cet étranger, et c’est à la mesure de leur charité qu’il leur a été permis de reconnaître Jésus à la fraction du pain.
Tourner le dos à la croix nous conduit à la désespérance. Lui faire face c’est entrer dans la force de la Résurrection du Seigneur.
Le Christ, mon espérance, est ressuscité :
il précédera les siens en Galilée.
C’est l’ordre divin qui est donné aux femmes pour ses disciples. Il leur demande donc de quitter Jérusalem, le lieu du Temple. Jésus attends les disciples dans le dynamisme de la mission en ce lieu ou les races et les cultures se côtoyaient. Jésus est celui qui nous précède dans l’annonce de l’Evangile. Annoncer la présence du Ressuscité au coeur de tout homme.Aller en Galilée là où à commencé la vie publique de Jésus, le miracle de Canna. Toujours Jésus nous précède dans l’annonce de la bonne Nouvelle, comme dans les actes de apôtres, l’Ange avertit l’apôtre Philippe d’aller auprès d’un ’eunuque qui cherche à comprendre qui est cet agnau du d’Isaïe cit é plus haut : » (Ac 8,26….) :Philippe y courut, et il entendit que l’eunuque lisait le prophète Isaïe. Il lui demanda : «Comprends-tu donc ce que tu lis ?» «Et comment le pourrais-je, dit-il, si personne ne me guide ?» Et il invita Philippe à monter et à s’asseoir près de lui. Le passage de l’Écriture qu’il lisait était le suivant : «Comme une brebis il a été conduit à la boucherie ;
comme un agneau muet devant celui qui le tond, ainsi il n’ouvre pas la bouche. Dans son abaissement la justice lui a été déniée. Sa postérité, qui la racontera ? Car sa vie est retranchée de la terre.» S’adressant à Philippe, l’eunuque lui dit : «Je t’en prie, de qui le prophète dit-il cela ? De lui-même ou de quelqu’un d’autre ?» [35] Philippe prit alors la parole et, partant de ce texte de l’Écriture, lui annonça la Bonne Nouvelle de Jésus.
Nous le savons : le Christ est vraiment ressuscité des morts.
Roi victorieux, prends-nous tous en pitié !
Dans la partition, l’accent est mis sur ces deux dernières lignes. L’essentiel de l’annonce est là.
Nous avons reçu la foi par le témoignage d’autres qui ont cru au Christ Jésus. La foi c’est une démarche personnelle qui s’inscrit dans l’assemblée, l’Église.
Nous le savons intellectuellement et avec le coeur, le Christ est ressuscité et comme l’affirme st Paul « si le Christ n’est pas ressuscité vaine est notre foi » . Nous n’aurions aucune raison de croire en Jésus le Fils éternel du Père, Glorieux. Et comme Bartimée(Mc 10, 46-52), nous l’implorons pour qu’il guérisse nos aveuglements afin de marcher derrière lui en disciple fidèle. Alléluia .