par le père Arnaud Brelot
Lecture du livre du Deutéronome
Moïse disait au peuple d’Israël : « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert ; le Seigneur ton Dieu te l’a imposée pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ? Il t’a fait passer par la pauvreté, il t’a fait sentir la faim, et il t’a donné à manger la manne – cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue – pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. N’oublie pas le Seigneur ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. C’est lui qui t’a fait traverser ce désert, vaste et terrifiant, pays des serpents brûlants et des scorpions, pays de la sécheresse et de la soif. C’est lui qui, pour toi, a fait jaillir l’eau de la roche la plus dure. C’est lui qui, dans le désert, t’a donné la manne – cette nourriture inconnue de tes pères. »
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus disait aux foules des Juifs : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. » Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement.
Le peuple juif a marché 40 ans dans le désert pour passer de l’Egypte à la terre promise alors que quelques centaines de kilomètres seulement séparent ces deux régions. Pourquoi tant d’années nécessaires, sinon pour affermir un passage plus important encore, celui de l’esclavage à la liberté ? En effet, la liberté se reçoit de Dieu, c’est un cadeau et elle ne s’acquière que par obéissance à sa loi. C’est ce que souligne Moïse dans le livre du Deutéronome : « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert ; le Seigneur ton Dieu te l’a imposée pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ? »
Et pour former des cœurs libres, ouverts à Dieu toute une génération devra passer et une nouvelle se lever. Une première génération qui aura d’une part à quitter ses habitudes d’esclaves et sa mémoire des facilités que cet esclavage apportait, comme la bonne nourriture, les fameux « oignons d’Egypte » dont les papilles des juifs, asséchées par la chaleur du désert, gardent encore la saveur et d’autre part à se nourrir de ce que Dieu, ayant creusé en elle la faim, lui donne: « il t’a donné à manger la manne – cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue – pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. » Rappelle le Deutéronome. Une nouvelle génération, née au désert, construira sa foi sur l’obéissance à la loi qu’elle reçoit au désert des mains de Moïse et apprendra à se nourrir aussi de la Parole de Dieu.
Cette marche du peuple juif est pour nous une annonce de la marche de l’Eglise, le peuple de Dieu. Si les juifs passèrent de l’esclavage en Egypte à la liberté en Terre Sainte, les Chrétiens ont a passé de l’esclavage du péché dans ce monde à la vie éternelle dans le Royaume des cieux à venir.
La marche de l’Eglise dans ce monde, fait de chacune de nos vies chrétiennes un pèlerinage vers le ciel. Et de même que les juifs eurent la manne comme nourriture donnée par Dieu pour traverser les 40 années du désert et dans la pauvreté se soumettre à sa loi et à son amour ; de même Dieu donne l ’Eucharistie à l’Eglise pour qu’elle puisse traverser le temps de ce monde et d’une part semer en elle la réalité du ciel, qui est sa patrie et le terme de sa vie et d’autre part en entretenir le désir en chacun de ses enfants. Jésus dans l’Evangile l’affirme : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. »
Alors depuis des siècles le Seigneur prépare ses élus à la vie éternelle en leur donnant la nourriture dont ils ont besoin pour passer du péché à la liberté, de la mort à la vie éternelle. Sans cette nourriture là qui est donnée par Dieu et reçue pauvrement par des croyants affamés et confiants, nul ne peut accéder à la vie éternelle en plénitude. Pour que nous puissions avec notre pauvre humanité limitée et malade, accéder et participer à la vie divine, il faut la semer en nous sans cesse, sans se lasser la recevoir. Peu à peu alors nous découvrirons ce qu’est l’Eucharistie, le « saint sacrement du Corps et du Sang du Christ ».
Nous entrerons et ferons nôtre ce grand Mystère que Jésus résume ainsi dans l’Évangile : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que …je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. » Jésus nous donne en nourriture la vie qu’il partage avec le Père et nous rend ainsi capable, au jour de la résurrection, de participer à sa vie même.
Notre ciel et notre participation à la vie même de Dieu commencent dès ce monde grâce au grand sacrement de l’Eucharistie ! Alors attachons-nous fermement à lui « source et sommet de la vie chrétienne ». Nous y attacher signifie aussi en avoir un très grand respect autant quand nous le célébrons que quand nous l’approchons, à la communion, ou au tabernacle. Prenons le temps de nous incliner ou de nous agenouiller devant Lui. Prenons-Le toujours, dans nos mains avec beaucoup de crainte et d’amour, faisant de notre main un trône pour Lui. Portons-le à notre bouche sans tarder et avec un grand désir de recevoir ce cadeau d’un prix inestimable ; gardons un long silence pour réaliser et goûter à la grandeur d’un tel don et à la puissance d’amour et de paix qu’il déploie dans tout notre être. Réalisons encore dans une communion de silence avec tous ceux qui sont avec nous, que « la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain » comme le rappelle Paul aux Corinthiens. Enfin n’oublions jamais de le rejoindre et de le vénérer aussi dans chaque pauvre qui est le Seigneur Jésus qui nous invite à l’amour. Réel et concret.
Bienheureux serons-nous tout à l’heure si lors de la communion et à la sortie de la messe, nous vivons cela ainsi. Amen