Homélie du 25° dimanche ordinaire A ( 20 septembre)


Par le Père Arnaud Brelot.

Évangile de J-C selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus disait cette parabole à ses disciples : « Le royaume des Cieux est
comparable au maître d’un domaine qui sortit dès le matin afin d’embaucher des ouvriers
pour sa vigne. Il se mit d’accord avec eux sur le salaire de la journée : un denier, c’est-à-dire une pièce d’argent, et il les envoya à sa vigne. Sorti vers neuf heures, il en vit d’autres qui étaient là, sur la place, sans rien faire. Et à ceux-là, il dit : ‘Allez à ma vigne, vous aussi, et je vous donnerai ce qui est juste.’ Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures, et fit de même. Vers cinq heures, il sortit encore, en trouva d’autres qui étaient là et leur dit : ‘Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?’

Ils lui répondirent : ‘Parce que personne ne nous a embauchés.’ Il leur dit : ‘Allez à ma vigne, vous aussi.’ Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : ‘Appelle les ouvriers et distribue le salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers.’ Ceux qui avaient commencé à cinq heures s’avancèrent et reçurent chacun une pièce d’un denier.
Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux
aussi, chacun une pièce d’un denier. En la recevant, ils récriminaient contre le maître du
domaine : Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure, et tu les traites à l’égal de
nous, qui avons enduré le poids du jour et la chaleur !’ Mais le maître répondit à l’un
d’entre eux : ‘Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ?’ C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »

A bien lire l’évangile, on peut constater qu’il a toujours été de mise de douter de la
manière d’un patron de recruter ses collaborateurs, de négocier leur salaire et de les
manager. En effet, le maître de l’évangile comme tout patron a négocié avec les premiers
ouvriers qu’il a recrutés : Il se mit d’accord avec eux sur le salaire de la journée : un denier, c’est-à-dire une pièce d’argent. Et pourtant les ouvriers recrutés le plus tôt dans la journée dénoncent le contrat passé alors que le maître est juste avec eux, leur donnant à la fin de la journée ce qu’ils avaient décidés d’un commun accord.

Donc ce qui nous choque dans ce récit, c’est
plutôt l’attitude du Maître vis-à-vis de ceux qui ont travaillé moins et qui touchent le même salaire que les autres. En effet, son attitude oppose deux notions différentes : l’égalité et le mérite. Tout le monde pareil ou chacun selon ce qu’il mérite, deux visions des choses qu’on utilise selon ce qui nous arrange.
Ainsi concernant les salaires la plupart d’entre nous fonctionne au mérite : si j’ai fait de
longues études je mérite un salaire plus important, si je travaille plus d’heures que toi dans
un même métier, je mérite un salaire plus conséquent ; c’était même devenu un slogan
connu : « travailler plus pour gagner plus ».
Mais si on parle d’héritage il nous vient aussitôt l’idée d’une égalité dans la répartition :
qu’on soit enfant naturel ou légitime on ne doit pas faire de différence, tous ont droit à la
même part.
Ainsi, dans l’Evangile, les ouvriers sont dans une logique salariale du mérite, quand le
maître est dans une logique d’égalité d’héritage. Voyons cela ensemble.
Le Maître c’est Dieu lui-même. La vigne pour laquelle il recrute des ouvriers, c’est le
monde. Les ouvriers se sont les croyants qui vont évangéliser ce monde et le salaire qu’il
propose c’est la vie éternelle.

Et là nous pouvons encore appliquer notre distinction de tout à l’heure entre mérite et
égalité…Le mérite étant pour les croyants depuis le berceau : toujours fidèles, toujours
serviables, toujours justes et priants. Ces croyants, Dieu les envoie dans le monde pour
devenir des pécheurs d’hommes et ils essaient depuis toujours d’annoncer la Bonne-
Nouvelle : ils ont été de tous les combats, de toutes les méthodes de caté, de toutes les
initiatives. Pour eux le salut est comme une évidence et ils espèrent accéder à de bonnes
places au ciel ! Et ceux-là regarde toujours d’un œil méfiant et soupçonneux ceux qui
arrivent à la foi en cours de route, des convertis tardifs. Et au nom de la foi il sera dit
qu’avec la vie qu’ils ont menée ils n’ont pas honte d’être là à l’église…. Oubliant que le
salaire que Dieu donne et le même pour tous : c’est la vie éternelle. Quand nous
réjouirons-nous que tous soient appelés au salut, peu importe quand il sera accueilli !
Vous connaissez l’histoire de cette sainte femme qui arrive au ciel : exemple de piété et de droiture morale, d’humilité et de service des autres et qui se trouve placer juste derrière la porte du paradis. Se mettant sur la pointe des pieds elle aperçoit au plus près du Seigneur, une femme de petite vertu de son village revenue sur le tard à la religion et morte un peu avant elle. La voyant, elle s’écrit avec une pointe de regret « ben !! si j’avais su !! » Frères et sœurs ne regrettons jamais la vie de foi que nous menons, plus encore réjouissons-nous que le salut puisse être accueilli par tous !

Ainsi, l’égalité est plutôt la réponse du Seigneur à ceux qui mettent parfois du temps à
répondre à Dieu qui les appelle au Salut : ceux qui sont de pauvres pécheurs durant leur
vie, ceux qu’on ne voit pas à l’église, qui ne sont pas tout net, tout propre dans leur
conscience et dans leurs actes, mais qui un jour, au détour d’une visite à l’église, de la
célébration d’un sacrement, d’une rencontre avec un chrétien à la foi authentique, lors
d’une confession ou peut être même d’un sermon, vont se convertir, changer de vie,
accueillir le salut que Dieu leur propose depuis toujours. Ceux-ci, venu à la foi sur le tard,
auront aussi à témoigner, car Dieu en donnant le Salut leur demande de témoigner de lui
autour d’eux, dans le monde. Et nous savons tous comme sont bouleversant les
témoignages des personnes converties car on y lit la puissance de l’amour de Dieu qui peut
venir à bout des cœurs les plus durs et les plus endurcis. Ceux-là ont aussi droit à leur
salaire, à leur part d’héritage, à la vie éternelle. (L’histoire du bon Larron…)
Car le salaire dont Jésus nous parle est en fait un héritage, est quand on hérite, comme je
l’ai dit plus haut, on a tous la même part. En effet, le salut ne peut pas se partager : on
accueille ou non le salut de Dieu. Mais dès qu’on l’a accueilli il nous met en route, il exige
que nous travaillions pour lui.
Alors sans rechigner, sans regarder ce que Dieu donne aux uns ou aux autres, mais joyeux
de savoir qu’Il veut pour tous le Salut, devenons tous, quelque soit l’ancienneté de notre
foi, des ouvriers au service de Jésus, pour que ce monde accède enfin à la vie éternelle.
Amen