Évangile de J-C selon st Matthieu
En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple : « Quel est
votre avis ? Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : ‘Mon
enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.’ Celui-ci répondit : ‘Je ne veux pas.’ Mais
ensuite, s’étant repenti, il y alla. Puis le père alla trouver le second et lui parla de la
même manière. Celui-ci répondit : ‘Oui, Seigneur !’ et il n’y alla pas. Lequel des
deux a fait la volonté du père ? » Ils lui répondent : « Le premier. »
Jésus leur dit : « Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous
précèdent dans le royaume de Dieu. Car Jean le Baptiste est venu à vous sur le
chemin de la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; mais les publicains et les
prostituées y ont cru. Tandis que vous, après avoir vu cela, vous ne vous êtes même
pas repentis plus tard pour croire à sa parole. »
Homélie
Par le Père Arnaud Brelot.
Quelle différence entre les grands prêtres et les anciens du peuple d’un côté et les
publicains et les prostituées de l’autre ? Les premiers sont des personnages publics
importants admirés, estimés voir craints de tous quand les autres sont des habitués
des bas fonds des villes, souvent dénoncés et méprisés par tous.
On voit les grands prêtres et les anciens comme des personnes à la moralité
irréprochable, des modèles à imiter, alors que les publicains et les prostituées sont
conspués comme immoraux et pécheurs.
Et sur quoi repose ce jugement, cette vision des choses ? Généralement sur ce que
les personnes donnent à voir ou sur ce que nous estimons d’elles selon nos critères
humains (réussite, notoriété, facilité à parler, prestance, élégance, etc…) Or dans le
premier livre de Samuel, alors que ce dernier doit choisir le futur roi d’Israël, Dieu
lui rappelle qu’Il ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. »
Le cœur d’un juif est le lieu où il élabore ses décisions, d’où jaillissent ses actes. Et
c’est cela que Dieu regarde: la motivation (qu’on appel l’intention), la soumission
du cœur à la volonté de Dieu, le désir de faire le bien, la recherche de la vérité, etc.
Un cœur droit est donc un cœur qui est à l’écoute du Seigneur et de sa volonté et
qui essaie de la vivre concrètement en transformant sa vie afin de la rendre plus
cohérente. C’est la prière du psalmiste que nous pouvons faire nôtre : Seigneur,
enseigne-moi tes voies, fais-moi connaître ta route. Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi.
Travailler à rendre notre vie plus cohérente exige trois étapes : reconnaître que
notre vie manque d’unité, décider d’y remédier et changer concrètement ce qui doit
l’être pour plus de cohérence.
1/ Reconnaître nos manques d’unité.
Ce qui bouscule le cœur des publicains et des prostituées dans l’évangile, c’est la
prédication de Jean le Baptiste. Ses paroles lumineuses et exigeantes ont mis en
relief les parts d’ombres et d’incohérence dans leur vie.
Mais le cœur des grands prêtres et les anciens du peuple n’a-t-il pas lui aussi à être
bousculé ? Aucun cœur n’est pur sauf à s’enorgueillir ou à ne se justifier qu’en se
comparant aux autres. Si le bien que je pense de ma vie ne découle que du mal que
je vois dans la vie des autres, comme le pharisien qui dit quelque part dans
l’évangile « je te remercie Seigneur de ne pas être comme ce publicain») où est la
cohérence de ma vie ? Repose-t-elle sur le mépris voir la haine des autres ? Et alors
il se passe pour eux ce que Ezéchiel dénonce dans la première lecture : Si le juste se
détourne de sa justice, commet le mal, et meurt dans cet état, c’est à cause de son mal qu’il mourra.
Oui la haine, le mépris des autres et la façon de les enfermer dans le péché pour
mieux ne pas voir et assumer le sien est une faute morale très grave, une
incohérence quant à l’exigence de l’amour du prochain, une pente qui mène à la
mort !
2/ Décider d’y remédier : implorer le pardon de Dieu.
Les publicains et les prostituées qui savent leur vie misérable sont bouleversés par
les paroles du Baptiste. Elles ont réveillé en eux le désir d’unifier leur vie et les ont
amenés à demander le pardon de leurs péchés et à changer de vie. Dieu veut la
conversion du pécheur et non sa mort, alors, avec tous les pécheurs, faisons nôtre
la supplication du psalmiste à Dieu : Oublie les révoltes, les péchés de ma jeunesse ; dans ton amour, ne m’oublie pas.
Ce que Dieu veut c’est la repentance de nos erreurs et la reconnaissance que nous
avons besoin de lui, de son Esprit Saint pour œuvrer à l’unification de tout notre
être ! Seule la miséricorde de Dieu peut combler en nous ce qui nous manque pour
que notre vie peu à peu se divinise, peu à peu devienne de
plus en plus cohérente.
Et c’est cela qui manque aux grands prêtres et aux anciens, ils se pensent comme
déjà parfaits et justifiés, ils pensent ne pas avoir besoin de la miséricorde de Dieu.
Ils veulent rejoindre Dieu sans se laisser rejoindre par Lui !
3/ Changer ce qui doit l’être dans notre vie.
Ainsi être cohérent, c’est reconnaître que Dieu doit agir dans nos vies et le laisser
faire. Les changements opérés dans nos vies sont le signe que Dieu y agit. Comme
le relève Ezéchiel : Si le méchant se détourne de sa méchanceté pour pratiquer le droit et la
justice, il sauvera sa vie. Paul de même dans sa lettre aux Philippiens souligne qu’un
chrétien doit avoir en lui les dispositions qui sont dans le Christ Jésus. Et elles se
déploient toutes dans notre relation aux autres : recherchez l’unité. Ne soyez jamais
intrigants ni vaniteux, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes.
Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts ; pensez aussi à ceux des autres.
Etre cohérent c’est donc reconnaître que nous avons besoin de Dieu et des autres
pour déployer au maximum notre vie. La fraternité et la miséricorde en sont deux
principes essentiels. Que le Seigneur nous aide à les vivre, à en vivre pleinement.
Amen