par le père Arnaud Brelot +
Évangile de J- C selon st Matthieu
En ce temps-là, les pharisiens allèrent tenir conseil pour prendre Jésus au piège en le faisant parler. Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode : « Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens. Alors, donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? » Connaissant leur perversité, Jésus dit : « Hypocrites ! pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ? Montrez-moi la monnaie de l’impôt. » Ils lui présentèrent une pièce d’un denier. Il leur dit : « Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ? » Ils répondirent : « De César. » Alors il leur dit : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »

Deux grandes figures païennes sont proposées à notre méditation ce matin : Cyrus le Perse et César l’empereur de Rome. Deux figures distantes de plusieurs siècles et qui furent en leur temps respectifs les « maîtres du monde » alors connu. Ils étaient tout-puissants, régnaient sans partage et parfois sans pitié sur leur peuple et sur tous les peuples qu’ils conquirent. Un grand pouvoir leur est reconnu dans les Ecritures :
Isaïe dans la première lecture va jusqu’à proclamer, au nom du Seigneur, que Cyrus est un messie de Dieu, c’est-à-dire une personne choisie par Lui comme messager pour les peuples. Je vous relie ce passage : Ainsi parle le Seigneur à son messie, à Cyrus, qu’il a pris par la main ». Imaginez l’effet de cette annonce sur le peuple juif alors en exil depuis 50 ans à Babylone qui vient d’être conquise par les perses. Un Païen messie de Dieu ! Et de fait il le sera car c’est lui qui décidera le retour du peuple juif sur sa terre.
Quant à Jésus dans l’évangile, en proclamant « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » il reconnaît un pouvoir à l’empereur de Rome qui occupe la Terre Sainte, celui de « gérer » les affaires temporelles, car vous savez que ces paroles du Seigneur, en distinguant le domaine temporel du spirituel, sont à l’origine du principe de séparation des pouvoirs. Et les propos de Jésus ont du aussi agacés les Pharisiens, eux qui voulaient prendre Jésus au piège en le faisant parler en le forçant à choisir entre la collaboration avec Rome ou la rébellion. Il n’oppose pas, seulement il distingue pour ne pas confondre.
Et nous, avons-nous le même penchant qu’Isaïe et Jésus en regardant le spectacle de ce monde où évoluent les puissants d’aujourd’hui qui ne sont plus de Perse ou de Rome mais plutôt des Etats Unis d’Amérique, de Chine, de Russie ou de France ? Quand vous auscultez la politique internationale, y voyez-vous la main de Dieu comme Isaïe la voyait lui qui affirmait de Cyrus : « que Dieu l’a pris par la main pour lui soumettre les nations et désarmer les rois » ?
Croyez-vous que c’est bien encore Dieu qui est à l’œuvre dans ce monde qu’Il a voulu et créé ? Qu’il tient dans sa main les peuples et les puissants ? Nous disons très souvent, peut-être trop souvent que ce monde, notre monde est sous l’emprise du diable et du mal, alors que rien de ce qui s’y vit ne peut être inconnu de Dieu ! Saint Paul écrit aux Romains et nous rappelle par la même : « Que chacun soit soumis aux autorités supérieures, car il n’y a d’autorité qu’en dépendance de Dieu, et celles qui existent sont établies sous la dépendance de Dieu ».
Quel est alors le rôle des chrétiens, à qui Paul rappelle dans la 2ième lecture : « frères bien-aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui ». ? Sinon d’éclairer la conscience des humains et de travailler ce monde à la manière d’un ferment pour qu’il devienne la semence à venir du Royaume de Dieu. Oui au lieu de sans cesse dénoncer et critiquer les gouvernants, nous devrions sans doute les aider en les portant dans nos prières, comme nous y exhorte saint Paul dans sa 1ière lettre à Timothée : « j’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d’État et tous ceux qui exercent l’autorité, afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité. » En effet un bon climat politique et social permet d’œuvrer à l’établissement du règne de Dieu. Il nous faut donc aussi nous intéresser aux affaires de ce monde en travaillant réellement, par des œuvres de justice à étendre le règne de Dieu dans ce monde : en rappelant la vérité sur l’homme et appelant à respecter la loi naturelle, par des moyens proportionnés et mis à notre disposition comme les manifestations et les pétitions.
Isaïe le rappelle à Cyrus, et à travers lui à tous les puissants : « Je t’ai rendu puissant, alors que tu ne me connaissais pas, pour que l’on sache, de l’orient à l’occident, qu’il n’y a rien en dehors de moi. Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre. »
Oui un vrai gouvernant ne se prend pas pour Dieu, ne joue pas à être Dieu, décidant d’édifier un monde en opposition à la nature et à ses lois. Il a le devoir de servir Dieu pour le bien de tous les hommes ses enfants car Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité, comme l’écrit encore Paul à Timothée.
Alors, chacun à notre niveau, selon le principe de subsidiarité, par notre vie et notre investissement dans la société travaillons au salut du monde, faisons des paroles du psaume notre programme politique : Allez dire aux nations : « Le Seigneur est roi ! » Il gouverne les peuples avec droiture.
Que l’Eucharistie nous donne les forces pour changer ce monde et faire advenir le royaume du Christ notre seul vrai Dieu. Amen