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Evangile selon st Luc
En ce temps-là, jésus disait à ses disciples : « Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte. Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : c’est lui qui, la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et passera pour les servir. S’il revient vers minuit ou vers trois heures du matin et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils ! Vous le savez bien : si le maître de maison avait su à quelle heure le voleur viendrait, il n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »
Comme hier dans l’Evangile, les texte de la liturgie ce soir nous appelle à être « Heureux ». Et c’est le même mot qui est employé dans tous les textes : le mot grec « makar » dont les écrivains sacrés ont fait un adjectif « Makarioi » qu’on peut traduire par « heureux » ou « béni ». Or, hier, commentant mon homélie, un paroissien de Lons soulignait que dans ce monde nous sommes plus appelés à la joie qu’au bonheur qui nous sera donné dans l’autre.
Pourtant les textes de la liturgie de ce jour sont une invitation à ne pas attendre le ciel pour être heureux. Ou plutôt, de bien comprendre que le bonheur se construit jour à après jour. J’en veux pour illustration les mots de saint Jean dans son Apocalypse « Heureux dès à présent, les morts qui meurent dans le Seigneur. » et pourquoi doivent-ils être heureux ? L’Esprit explique : « car leurs actes les suivent ». Jésus dit la même chose dans l’évangile de Luc que je viens de proclamer : « Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller » et pourquoi doivent-ils être heureux ? : car ils sont restés leur vie durant « en tenue de service, la ceinture autour des reins, et leurs lampes allumées. ».
Ce qui est important est donc de définir ce qui fait le bonheur ici-bas, ce qui nous rend heureux dès ce monde et qui s’épanouira dans la vie éternelle, faisant de nous des bienheureux ! Dans mon homélie de toussaint je disais qu’être heureux dès ce monde exige de déployer une fraternité concrète et active selon les béatitudes qui sont un programme de vie chrétienne à vivre dès maintenant et avec tous les hommes autant que faire se peut.
Et décider d’être heureux comme cela, c’est-à-dire de trouver sa joie dans une relation fraternelle avec les autres et les servir selon les termes des béatitudes, exige parfois une conversion, d’où l’emploi des verbes au futur ! Mais non pas un futur d’après la mort, mais un futur proche pour celui qui se met en marche pour vivre désormais des béatitudes. C’est pour cela aussi qu’André Chouraqui traduira « MAkarioi » par « en marche ».
En effet, construire notre bonheur ici-bas, en tant que Chrétien ne peut se faire qu’en tournant notre regard vers le ciel. Nous « construisons » un bonheur qui trouvera son accomplissement dans le ciel. Ainsi, nos actes sur terre sont le signe visible que nous avons choisi de marcher vers le ciel. Ils sont les signes que nous avons déjà accueilli le règne de Dieu en nous, que Christ est bien vivant en nous. En effet, si Paul rappelle aux Romains que « par l’obéissance d’un seul (Jésus) la multitude est rendue juste. » c’est à chacun d’accueillir le salut, de se laisser justifier par Jésus. Le Salut est pour tous mais chacun dans sa liberté souveraine doit l’accueillir. Donc c’est parce que nous avons accueilli le salut de Dieu en Jésus-Christ dans nos vies, que nous sommes heureux dès ce monde, l’exprimant par nos actes et nos paroles.
Comme je vous le dis souvent, nous avons déjà un pied non pas dans la tombe, mais dans le Royaume à venir : telle est notre espérance qui n’est pas un « j’espère que ce sera comme ça » mais plutôt « je sais car je crois que ce fera comme ça ». Nous croyons que tout ce que Jésus a vécu nous le vivrons aussi : mort, résurrection et ascension. Il faut poser un acte de foi fort et combattre contre nos doutes. Et ce qui témoigne de la force de notre foi, c’est notre vie présente, notre joie de vivre, notre bonheur à la manière des béatitudes. Sachant où l’on va, on doit vivre heureux dès ce monde, du bonheur que Dieu veut pour nous !
Alors si parfois une tristesse légitime habite nos cœurs quand nous pensons à nos défunts, n’oublions pas aussi de faire mémoire de tous les moments de bonheur vécus avec eux, de tous les actes de charité qu’ils ont posés, de la grandeur d’âme dont ils furent capables. Et si la pauvreté, la faiblesse, la lâcheté, le péché ont abîmés leur vie, alors priez pour eux, offrez des messes, pour que l’Esprit Saint achève en eux la grande purification et leur pleine transformation en enfant de Dieu apte à la plénitude du bonheur semé en eux par Dieu dès le jour de leur baptême.
Savourons ce soir tout particulièrement l’Eucharistie, notre première et grande source de bonheur et de consolation ici-bas, elle est une anticipation du festin que nous partagerons avec Dieu dans le royaume. Par elle nous sommes en communion avec nos frères et sœurs défunts qui ont accueillis le salut donné par Jésus. Eux contemplent dans la joie éternelle le visage de Dieu, nous encore en marche vers le Royaume nous le savons réellement présent sous le voile du pain. Amen