par le père Arnaud Brelot
Lecture du livre du prophète Isaïe : C’est toi, Seigneur, notre père ; « Notre-rédempteur-depuis-toujours », tel est ton nom. Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? Pourquoi laisser nos cœurs s’endurcir et ne plus te craindre ? Reviens, à cause de tes serviteurs, des tribus de ton héritage. Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face. Voici que tu es descendu : les montagnes furent ébranlées devant ta face. Jamais on n’a entendu, jamais on n’a ouï dire, nul œil n’a jamais vu un autre dieu que toi agir ainsi pour celui qui l’attend. Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de toi en suivant tes chemins. Tu étais irrité, mais nous avons encore péché, et nous nous sommes égarés. Tous, nous étions comme des gens impurs, et tous nos actes justes n’étaient que linges souillés. Tous, nous étions desséchés comme des feuilles, et nos fautes, comme le vent, nous emportaient. Personne n’invoque plus ton nom, nul ne se réveille pour prendre appui sur toi. Car tu nous as caché ton visage, tu nous as livrés au pouvoir de nos fautes. Mais maintenant, Seigneur, c’est toi notre père. Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l’ouvrage de ta main.

Comment les paroles du prophète Isaïe, écrites il y a bientôt 3000 ans, peuvent-elles aussi bien décrire l’état de nos âmes ? Comment peuvent-elles avec autant de précision souligner ce qui ne va pas chez nous ? Sinon qu’elles sont des paroles de feu inspirées par l’Esprit Saint de Dieu ; des Paroles pour réveiller le cœur assoupi, voir aujourd’hui, comateux, de ceux qui furent créés par Dieu comme un Père donne naissance à ses enfants ? Oui nous sommes faits pour vivre comme des fils et des filles de Dieu, des enfants du Père et nous préférons vivoter comme des orphelins. Nous sommes faits pour la gloire et la Lumière et nous nous contentons des ténèbres du péché et de la médiocrité. Il est venu jusqu’à nous et nous ne l’avons pas accueilli ! Il est là, humblement caché au cœur de ce monde ne pouvant qu’assister, terrassé dans son amour de Père, à la débandade de sa création. On Le proclame absent et l’on dit « Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? » d’autres affirment même qu’Il est mort disant : « Personne n’invoque plus ton nom, nul ne se réveille pour prendre appui sur toi. » Et nous croyants nous nous interrogeons « Pourquoi laisser nos cœurs s’endurcir et ne plus te craindre ? ». Tous nous découvrons la misère d’une condition humaine privée de la grandeur de sa vocation spirituelle. Isaïe décrit tellement bien l’homme réduit à son humanité, amputé de sa condition d’enfant de Dieu : Tous, nous étions desséchés comme des feuilles, et nos fautes, comme le vent, nous emportaient. Oui l’homme loin de Dieu ne devient plus qu’une feuille morte ballottée par les vents du relativisme, des modes, des compromis et de l’assouvissement des bas instincts.
L’homme sombre dans le néant du reniement de lui-même. En refusant sa filiation divine et la vie éternelle qui en découle ; se déclarant libéré de Dieu, l’homme ne sert plus que la culture de mort et les projets mortifères : avortement et l’euthanasie, chosification des personnes et de leur corps, exploitation de la main d’œuvre à des fins mercantilles, et maintenant le fin du fin la revendication de fraterniser avec les animaux et de se considérer comme l’un d’eux ; on appelle cela l’antispécisme. Cela a vraiment un gout de reviens-y quand on sait que le peuple élu se prosternait déjà devant un veau d’or dans le désert: diviniser les animaux, les élever jusqu’à notre vocations propre d’humains, voilà un grand péché qui fut déjà dénoncé par Dieu au temps de Moïse. Comment être plus loin de la gloire que Dieu a voulu pour nous, nous tirant du néant pour nous créer à son image et à sa ressemblance ?
Oui la tempête soufflait du temps Isaïe sur le peuple perdu et elle souffle encore en notre temps. Beaucoup comme au temps d’Isaïe s’interrogent et demandent : Où est le Seigneur en ces temps difficile, où sont sa puissance et sa gloire qu’il déployait pour anéantir ses ennemis, pour sauver son peuple élu. Oui le silence de Dieu est assourdissant d’autant plus quand la surdité des hommes rend quasi impossible l’échange, l’écoute.
Et pourtant le constat d’Isaïe qui est aussi le nôtre s’il est plein de tristesse et de regret, n’est pas le mot de la fin. Quand Dieu n’a plus pu parler à l’homme comme il faisait du temps de nos pères les patriarches, il a trouvé un autre moyen d’entrer en relation avec nous. Il s’est fait l’un de nous. Il est venu parmi nous pour dialoguer avec nous, pour que de nos yeux, de nos cœurs, de nos esprits et de nos intelligences nous puissions contempler la splendeur de notre vocation, la grandeur de son appel. Jésus est l’homme nouveau, l’homme renouvelé que nous sommes appelés à être, à revêtir.
Voilà ce qu’est le temps de l’Avent, un temps pour nous ressaisir, pour redécouvrir ce qui nous a été promis et qui s’est réalisé en Jésus. Un temps pour réaliser l’immense grâce qui nous a été faite dans la naissance de Dieu parmi nous. Paul l’affirme aux Corinthiens dans la 2° lecture : aucun don de grâce ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. Oui les amis ! Dieu est à la fois celui qui est venu et celui qui reviendra ; il est celui qui vient en chaque eucharistie restaurer sa gloire en restaurant notre humanité. Paul nous le rappelle : Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ notre Seigneur.
Alors en recevant la vie de celui qui nous a tant manqué et dont on a été privé pendant ce 2° confinement, faisons nôtres les paroles d’Isaïe, redisons à Dieu « Seigneur, c’est toi notre père » et laissons-le agir en nous, disons-lui : « Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l’ouvrage de ta main. ». Que notre eucharistie en ce premier dimanche de l’Avent, restaure en nous l’enfant de Dieu que nous sommes et le désir de l’être totalement. Amen.