par le père Arnaud Brelot

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens : Frères, j’aimerais vous voir libres de tout souci. Celui qui n’est pas marié a le souci des affaires du Seigneur, il cherche comment plaire au Seigneur. Celui qui est marié a le souci des affaires de ce monde, il cherche comment plaire à sa femme, et il se trouve divisé. La femme sans mari, ou celle qui reste vierge, a le souci des affaires du Seigneur, afin d’être sanctifiée dans son corps et son esprit. Celle qui est mariée a le souci des affaires de ce monde, elle cherche comment plaire à son mari. C’est dans votre intérêt que je dis cela ; ce n’est pas pour vous tendre un piège, mais pour vous proposer ce qui est bien, afin que vous soyez attachés au Seigneur sans partage.
C’est dans les années 40-45 que Paul a fondé l’Eglise de Corinthe, et c’est vers l’année 55 qu’il lui adresse la lettre dont un extrait a été lu ce matin. A cette époque la plupart des chrétiens issus de la première génération des croyants, chauffés à bloc par l’Esprit Saint, sont persuadés que le Seigneur Jésus allait revenir très vite, lui qui était retourné vers le Père une vingtaine d’années plus tôt. Ils croient à un retour imminent du Seigneur dans la Gloire. Le but de leur vie, à une telle échéance, est donc de vivre le plus saintement possible, d’être tout entier consacré au Seigneur, de n’avoir souci que de Lui et de se préparer à ce retour.
Mais dans cette même communauté de Corinthe d’autres commencent déjà à trouver le temps long. On les retrouve parmi ceux qui s’étaient gardés purs pour le retour imminent du Seigneur et qui maintenant, le temps passant, ont des idées d’une vie plus ordinaire, plus enracinée dans la vie sociale. Ceux-là vont opter pour le mariage ou carrément vivre n’importe comment.
Le non-retour du Christ provoque donc à Corinthe un relâchement des mœurs suffisamment fort pour que Paul se fende d’une lettre dans laquelle il remet les choses en place et en perspective. Il lui faut à la fois faire le constat que le Seigneur n’est pas encore revenu et en même temps réaffirmer qu’il faut se tenir prêt pour le jour où il reviendra ! C’est là tout le propos de Paul aux corinthiens : comment dans le temps se garder purs et saints en vue du retour du Christ ? Et l’argument de Paul est à replacer dans le temps : Il croit, lui aussi, à un retour du Christ rapide et à cause de cela il explique qu’opter pour le mariage risque de faire baisser la vigilance à l’égard du Seigneur : c’est dans ce sens qu’il faut comprendre son propos : Celui qui n’est pas marié a le souci des affaires du Seigneur, il cherche comment plaire au Seigneur. Celui qui est marié a le souci des affaires de ce monde, il cherche comment plaire à sa femme, et il se trouve divisé.
Ce n’est pas une condamnation du mariage, mais un souci de garder les personnes tout entière tournées vers le Seigneur qui anime les propos de Paul.
Au fur et à mesure que les années puis les siècles passeront, l’Eglise comprendra peu à peu l’ampleur de sa mission et que le retour du Christ s’opérera quand toute la création aura reçu la révélation de la foi chrétienne. Et qu’en attendant il faut se tenir prêt, il faut demeurer veilleur.
Ce qu’l faut bien saisir, c’est le poids de ces premières années sur notre perception de la sainteté : pendant plus d’un millénaire et parfois jusqu’à aujourd’hui encore, trop de personnes pensent que pour être saint il faut être célibataire, prêtre ou religieux ou vierge consacrée. Et d’ailleurs pendant cette période l’immense majorité des saints canonisés, hormis quelques exceptions, sont des consacrés pape, religieux, religieuses, vierges ou prêtres. Ce n’est que peu à peu que va émerger dans l’Eglise ce constat que l’on peut être saint et dans le monde, saint et marié par exemple. Et Alors la sainteté est accessible à tous, elle touche tous les baptisés, elle doit être notre souci commun. Tel fut, entre le XVI et le XVII siècle, le souci de saint François de Sales dont le livre « Introduction à la vie dévote » proposait un chemin de sainteté à la portée de chacun, quels que soient son état de vie, sa situation sociale, son âge ou sa santé. Dans la préface il écrit : « une âme constante et forte peut vivre dans le monde sans en prendre l’esprit, s’abreuver aux douces sources de la piété au milieu des eaux amères de ce siècle, et survoler les flammes des convoitises terrestres sans y brûler les ailes de ses saints désirs. »
Les Evêques lors du concile Vatican II ont consacré cette intuition dans le chapitre cinquième de la constitution sur l’Eglise Lumen Gentium dont le titre est « l’appel universel à la sainteté dans l’Eglise » on peut lire dans le N°40 : « les disciples du Christ sont véritablement devenus par le baptême de la foi, fils de Dieu, participants de la nature divine et, par la même, réellement saints. Cette sanctification qu’ils ont reçue, il leur faut donc, avec la grâce de Dieu, la conserver et l’achever par leur vie ».
Oui chers frères et sœurs, vous qui êtes les saints et les saintes du Seigneur, c’est la manière dont vous vivez votre vie qui vous permet de conserver la sainteté dont vous êtes revêtus depuis votre baptême. Chacun, peut dans l’Etat de vie qui est le sien (laïc ou consacré, marié ou célibataire) déployer une vie sainte. Une paroissienne à qui je confiais jeudi le sujet de mon homélie de ce matin, m’a témoigné qu’elle a essayé de vivre sa vie de femme, de mère et d’épouse dans la perspective d’une union plus grande et plus fidèle avec le Christ. Que c’était pour elle une évidence que Jésus l’appelait à le suivre, à l’aimer et à le faire aimer tant en travaillant comme enseignante, qu’en éduquant ses enfants selon l’Evangile ou en tâchant de vivre avec son époux en couple chrétien.
C’est également ce souci qui a animé Louis et Zélie Martin les parents de st Thérèse de Lisieux qui furent canonisés en tant que couple pour la sainteté de leur vie conjugale. Et nous aurons la chance d’accueillir dans notre doyenné leurs reliques du 30 avril au 02 mai prochains.
Que cette année, chacun de nous soit déterminé, là où Dieu l’a planté, à vivre dans selon les enseignements du Christ car nous serons alors les fruits visibles du Royaume de Dieu qui se déploie dans le monde pour le Salut de tous les hommes. Amen.