homélie du 18° dimanche ordinaire C

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Nicolas Poussin, Les juifs ramassant la manne au désert

Lecture du livre de l’Exode : En ces jours-là,  dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël  récriminait contre Moïse et son frère Aaron.  Les fils d’Israël leur dirent :  « Ah ! Il aurait mieux valu mourir  de la main du Seigneur, au pays d’Égypte,  quand nous étions assis près des marmites de viande,  quand nous mangions du pain à satiété !  Vous nous avez fait sortir dans ce désert  pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » Le Seigneur dit à Moïse :  « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous.  Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne,  et ainsi je vais le mettre à l’épreuve :  je verrai s’il marchera, ou non, selon ma loi. J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël.  Tu leur diras : ‘Au coucher du soleil, vous mangerez de la viande  et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété.  Alors vous saurez que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.’ »  Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ;  et, le lendemain matin,  il y avait une couche de rosée autour du camp.  Lorsque la couche de rosée s’évapora,  il y avait, à la surface du désert, une fine croûte,  quelque chose de fin comme du givre, sur le sol.  Quand ils virent cela,  les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre :  « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?),  car ils ne savaient pas ce que c’était.  Moïse leur dit :  « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »

Récriminer contre les représentants de Dieu est une activité prisée par le peuple élu comme le relate le livre de l’Exode : dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël récriminait contre Moïse et son frère Aaron. Pourquoi ? A cause de leurs nouvelles conditions de vie dans le désert tellement moins enviables que celles d’esclave en Egypte quand ils étaient assis près des marmites de viande, quand ils mangeaient du pain à satiété. Il semble donc que ce peuple nouvellement libéré goûte peu aux bienfaits que procure la liberté chèrement acquise par Dieu contre l’arrogant entêtement de Pharaon. Les reproches sont tels que le peuple élu accuse Moïse et Aaron de l’avoir fait sortir dans ce désert pour le faire mourir de faim ! Comment ce peuple peut-il ainsi renverser le sens des choses et des actes, comment peut-il imaginer que Dieu les aurait libérés de l’esclavage en Egypte pour les faire mourir dans le désert ? D’où vient ce regard tordu ?

Il vient qu’il regarde uniquement les choses matérielles et à court terme : son souci est de manger et non de gouter à sa liberté nouvelle, de se rassasier de viande et non de la présence de Dieu qui marche avec lui. Comme si avoir le ventre plein permettait de mieux vivre à la suite de Dieu. En tout cas Dieu ne s’y trompe pas … en effet il n’est qu’à entendre sa réponse : Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il marchera, ou non, selon ma loi ! »

Est-ce qu’une fois le ventre plein le peuple marchera selon la loi du Seigneur ? La suite de l’histoire nous prouvera que non. (Il n’est qu’à voir l’état des Chrétiens dans les pays repus comme les nôtres pour avoir un bon démenti actualisé.) De même dans l’évangile que nous venons de lire, c’est ainsi qu’il faut comprendre l’interpellation de Jésus à ceux qui le suivent : « vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. ».

Oui le peuple juif comme les premiers disciples de Jésus courent plus après un certain bonheur terrestre que vers des réalités célestes. Mieux vaut un Dieu qui les comble dès cette vie que d’attendre l’autre. D’ailleurs, aujourd’hui encore, pour certains chrétiens, la bénédiction de Dieu passe par la réussite matérielle, le confort et la richesse. Allons même plus loin : beaucoup de parents chrétiens préfèrent voir leurs enfants réussir leurs études et avoir un travail lucratif que d’entrer en religion ! Le bonheur terrestre a toujours plus la côte que la joie céleste éternelle ; comme le dit un dicton connu : ‘un tient vaut mieux que deux tu l’auras’. A penser comme cela on risque fort d’attiédir la foi qui se limitera alors à une simple morale pour vivre comme quelqu’un de bien dans ce monde.

La réponse de Jésus dans l’évangile est une invitation claire à changer de braquet : « Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme. » La foi nous met un pied dans l’éternité, elle exige que nous travaillions d’abord en vue d’y mettre le second. Croire c’est replacer nos conditions de vie terrestre à leur place : il ne s’agit pas de ne plus manger, mais de prendre des forces pour un combat plus grand, plus vital : notre transformation en fils et fille de Dieu. Comment ? En recevant la nourriture qui demeure jusqu’à la vie éternelle. Et quelle est-elle, sinon la vie de Dieu à nous donnée par les sacrements et au plus haut point l’Eucharistie, dont le concile Vatican II rappelle à cette fin qu’elle est la source et le sommet de la vie chrétienne. Oui l’Eucharistie et les sacrements sont la vraie nourriture que Dieu nous donne pour poursuivre le processus de notre divinisation commencé avec notre baptême. N’oublions pas que nous célébrons des rites sacrés où Dieu le Père nous donne le vrai pain du ciel, Jésus, le pain qui donne la vie. Voilà pourquoi nous devons avoir un grand soin de leur préparation et célébration, comme l’a souligné le pape François dans la lettre qu’il a adressée aux évêques du monde entier pour éclairer son motu proprio « traditionis custodes » qui fait tant de bruit sur la célébration de l’Eucharistie selon le missel de Jean XXIII : « je vous demande de veiller à ce que chaque liturgie soit célébrée avec décorum et avec fidélité aux livres liturgiques promulgués après le Concile Vatican II, sans excentricités qui dégénèrent facilement en abus. » Le pape François étant celui que Dieu a choisi pour guider son peuple, tâchons de ne pas récriminer contre lui comme le peuple de la première alliance. Accordons-lui notre confiance et célébrons toujours les saints mystères avec respect et fidélité aux rites et ce matin réitérons au Seigneur la demande des disciples : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. » Amen