
Évangile de Jésus le Christ selon st Jean : En ce temps-là, Jésus avait donné un enseignement dans la synagogue de Capharnaüm. Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? » Jésus savait en lui-même que ses disciples récriminaient à son sujet. Il leur dit : « Cela vous scandalise ? Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant !…C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. » Jésus savait en effet depuis le commencement quels étaient ceux qui ne croyaient pas, et qui était celui qui le livrerait. Il ajouta : « Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. » À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. Alors Jésus dit aux Douze « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Simon-Pierre lui répondit :« Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. ».
Au 2° siècle, un prêtre appelé Marcion avait décrété l’incompatibilité du Dieu juif de la première alliance avec le Dieu Père de Jésus Christ (entre autres à cause de la violence des récits). Aussi il décida qu’il y avait deux dieux : celui de l’AT et Celui du NT et que seul celui du NT était le vrai Dieu. Alors il expurgea de la bible tout ce qui ne convenait pas à ses idées, rejetant tout l’Ancien Testament et ne retenant que dix lettres de Paul et l’évangile de Luc amputé de ses premiers chapitres. Oui, c’était il y a 1800 ans et il fut condamné par ses pairs. Pourtant à notre époque encore, pour adoucir les passages difficiles des textes bibliques et de l’évangile, des prêtres ou catéchistes ôtent parfois dans les lectures les mots, passages ou paroles qu’ils jugent trop dures, difficiles ou inaudibles. Il faudrait donc, de l’avis même des disciples de Jésus dans l’évangile de ce matin, également ne plus jamais parler du discours du pain de vie. Dans cette logique d’un Jésus qui ne fait pas de vague, simple, serviable et qui ne dit que des choses gentilles, il faudrait arracher tout le chapitre 6 de Jean. Car les propos de certains disciples sont textuellement : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? Qui en effet est prêt à entendre que dans ce discours Dieu se révèle tel qu’il est, dans l’extrême radicalité de son amour. Un Créateur éperdument amoureux d’une humanité qu’il a créée et qu’il veut désormais faire participer à la plénitude de sa vie divine. Qui peut entendre que pour réaliser la folie de la communion à son Être divin il va s’offrir lui-même à sa créature humaine comme nourriture. Qui peut comprendre qu’en prenant, le soir de la Cène, du pain et du vin, c’est-à-dire la nourriture la plus commune et la plus simple, Jésus allait en faire son Corps et son Sang, la source jaillissante de sa vie divine à travers les mains des prêtres qui feront ce geste jusqu’à la fin des temps ! Ce mystère de l’Eucharistie est un abîme d’amour dans lequel nos pensées se perdent ! Évidemment sans la foi c’est insoutenable, Jean le souligne dans son Evangile en citant Jésus qui dit : « Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. ». A cause de cette radicalité, certains opposants accusèrent les chrétiens d’être des anthropophages, des mangeurs d’hommes. D’autres, comme beaucoup des disciples de Jésus s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner.
Ainsi dans l’Eucharistie, il n’est pas tant question d’un repas fraternel pris dans la convivialité, que de recevoir, pour vivre vraiment, le précieux Corps et le précieux Sang de notre Seigneur Jésus Christ afin que sa vie croisse en nous. Cela n’est pas facultatif et il nous faut prendre très au sérieux cet appel du Seigneur : « si vous ne mangez pas la chair du fils de l’homme, si vous ne buvez pas son sang vous n’aurez pas la vie en vous ». Vouloir vivre de Dieu exige de pratiquer, de le consommer, de se nourrir de Lui. Cette radicalité fait frissonner, d’autant plus que Jésus n’essaie pas de rattraper ceux de ses disciples qui n’adhèrent pas car il sait l’extrême exigence de ses propos et la nécessité pour le suivre de recevoir son enseignement. L’exigence est telle qu’en se tournant vers les douze il leur demande : Voulez-vous partir, vous aussi ? C’est que le mystère eucharistique est, au cœur de la foi, ce qui exprime l’immense amour de Dieu pour nous. Voilà pourquoi, Jésus, dans ce discours, laisse à chacun la liberté de choisir, comme déjà Josué le fit envers le peuple juif : choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir : .. Moi et les miens, nous voulons servir le Seigneur. » De tous les discours de Jésus, celui-ci est certainement le plus radical pour qui veut marcher à sa suite. Et grâce à Dieu il nous est parvenu dans toute son exigence. Ce discours du pain de vie vient nous révéler que l’alliance à laquelle le Seigneur nous invite n’est pas seulement de façade, ni une sorte d’amitié virtuelle, ni une fumeuse union uniquement spirituelle ! Non l’alliance est en son Corps et en son Sang. Elle est d’une certaine façon dans un corps à corps, dans un don de soi qui a à voir avec la vie de couple. Choisir le Christ, le suivre jusqu’au bout c’est s’engager d’une certaine manière dans une relation conjugale avec Lui. Paul le rappelle en effet dans la lettre aux Ephésiens : « Vous, les hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ : il a aimé l’Église, il s’est livré pour elle. ». Si vous vous engager à la suite du Christ, ce doit être dans la fidélité d’une femme à son mari car lui aura la fidélité d’un mari à sa femme !
Aujourd’hui encore, frères et sœurs, avec Josué et tous les patriarches, avec Paul et tous les Apôtres, avec les prophètes et tous les saints qui témoignent depuis des millénaires de la radicalité à suivre le Seigneur, affirmons que nous aussi, nous voulons servir le Seigneur, car c’est lui notre Dieu. Puisse cette Eucharistie sceller en nos cœurs ce choix-là et nous aider à y demeurer fidèles. Amen