par le père Arnaud Brelot
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc :
En ce temps-là, Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache, car il enseignait ses disciples en leur disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. » Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger. Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »
Il y a quelque chose de rassurant dans le comportement décalé des apôtres qui ne sont pas à la hauteur des attentes de Jésus. Alors que Jésus leur partage son avenir proche et la réalisation de sa mission en disant « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera », les disciples s’interrogent sur leur place dans le cœur ou l’entourage de Jésus. Que les disciples à un moment si crucial, passent à côté de l’essentiel du message de Jésus pour des affaires bassement humaines, nous aide à comprendre pourquoi cela nous arrive aujourd’hui et nous arrivera encore demain.
Bien souvent, comme eux, nous passons à côté de ce qui est important, nous passons à côté de l’Evangile. Je ne dis pas qu’il faut s’en réjouir ou s’en accabler, je vous invite simplement à en faire le constat. Même versés depuis l’enfance parfois dans les choses de Dieu, dans des manières de faire ou de prier, nous passons souvent à côté de l’inouï de l’Evangile. Et saint Marc en donne la raison : les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger. Nous aussi, dans bien des domaines, il nous arrive, alors que nous lisons un article, un livre ou quand nous discutons avec quelqu’un, de ne pas comprendre un mot ou une expression. Et au lieu de s’interroger et d’aller voir dans le dictionnaire ce que signifie ce mot, ou d’en demander le sens à la personne qui l’emploie dans la conversation, on fait l’impasse sur ce mot et par conséquent aussi sur le sens de toute une phrase. à cause de quoi agissons-nous ainsi : par paresse, par peur de paraître ridicule, ignare, etc. ?
Et cela vaut aussi pour la foi dont le vocabulaire souffre peu l’approximation. Et je parle autant du vocabulaire biblique que du vocabulaire ecclésial devenu si souvent imbuvable et inaudible. Refusant de faire l’effort de comprendre, nous passons à côté d’une belle révélation, d’une pépite littéraire ou spirituelle.
Nous restons alors à la surface des choses car nous ne comprenons pas les paroles de Jésus et nous n’osons pas l’interroger et nous laisser instruire sur le sens.
Combien de fois avez-vous osé demander à un prêtre, une religieuse, ce que signifie tel mot, telle phrase que vous n’avez pas compris dans la Bible ? interroger pour savoir ce qu’implique telle ou telle idée ou parole de Jésus dans la vie concrète ?
Je vous dis cela à cause des paroles entendues dans l’évangile de ce dimanche. Si on reste à la surface on risque de faire de terribles contresens.
Ainsi Nous allons interpréter les paroles de Jésus : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » comme un appel à l’humiliation, à choisir la dernière place, etc. Pourtant est-ce cela que le Seigneur dit ? Non, il dit qu’être un vrai premier, c’est être un serviteur. Il n’invite pas à se dénigrer ni à se sous-estimer, mais il offre la véritable clé de l’autorité : le service. Lui Jésus se donne en exemple à ses disciples : il s’est fait serviteur, marchant devant pour faire avancer les gens et les guider ; marchant à leur côté pour les encourager, les supporter, les rassurer, demeurant enfin à l’arrière, pour pousser ceux qui peinent, soutenir ceux qui défaillent.
Jésus donne l’exemple et apprend à ses disciples à être serviteur. Car eux aussi auront, un jour la charge du troupeau. Comme vous aujourd’hui, parents, grands-parents, étudiants et jeunes pro, membres des EAP ou chrétiens impliqués dans la vie sociale : vous avez, comme le Christ nous l’a enseigné, à être devant, avec ou derrière les gens pour n’en perdre aucun.
Et si vous accepter de vivre ainsi en vrai premier, vous ne craindrez pas que d’autres travaillent avec vous selon les mêmes conditions. On appelle alors cela la fraternité, c’est le seul remède contre ce que Jacques dans sa lettre nomme « la jalousie et les rivalités qui mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes. »
Oui, prendre la première place, celle du serviteur, c’est recevoir de vivre une occasion unique de rencontrer Dieu dans la simplicité. Comme le rappelle Jésus dans l’évangile : accueillir un enfant en se mettant à son service, c’est accueillir Dieu lui-même.
Voilà la grandeur de notre Dieu qui se donne tout entier, qui se livre sans crainte, à celui qui sait prendre la première place, celle du serviteur. Dieu ne se donne pas à celui qui se prend pour Dieu, Il se donne à celui qui agit comme Lui, en serviteur. C’est ce grand mystère que nous allons vivre dans un instant dans l’Eucharistie. Dieu en se donnant à nous dans son infinie sagesse, fait de nous ses enfants d’adoption, ses fils et ses filles, ses héritiers pour que nous devenions à notre tour, comme lui, des serviteurs pacifiques, bienveillants, conciliants, pleins de miséricorde et féconds en bons fruits, sans parti pris, sans hypocrisie.
Voilà un beau programme d’évangélisation : faire la révolution des serviteurs, essayons de vivre ainsi dans notre doyenné cette année pour attirer à Jésus toutes les âmes qui le désirent. Amen