Évangile de Jésus Christ selon saint Luc : En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples en parabole : « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ? Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître. Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? Comment peux-tu dire à ton frère : ‘Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil’, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère. Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces. L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. »
Alors que je méditais l’évangile en vue de rédiger mon homélie est revenue à ma mémoire une paroissienne du Haut-Jura, personnage haut en couleur : un vrai garçon manqué, bourrue, souvent râleuse et pas bien belle à voir, mais qui était derrière cette image (sur laquelle elle jouait d’ailleurs pour être tranquille) une femme très spirituelle et d’une grande charité, toujours prête à servir et cela le plus discrètement possible. Et quand on venait se plaindre à moi de sa rudesse, de ses propos verts parfois aussitôt je répondais, comme vous le faites d’une personne que vous estimez mais qui n’est pas toujours facile : « vous savez, elle a bon fond » Invitant ainsi mon interlocuteur à faire la différence entre ce qui était apparent, c’est-à-dire son attitude maladroite et son humeur taciturne et ce qui était de son ressort intérieur : un cœur toujours disponible pour servir, c’est-à-dire un cœur habité par le Seigneur. Je me disais toujours en la voyant : voilà un arbre qui n’est pas beau à voir, mais dont les fruits sont savoureux. Oui Jésus ne parle pas de l’apparence de l’arbre mais du fruit qu’il porte.
Ainsi tout humain dont le cœur bat au diapason de celui de Jésus porte toujours de bons fruits, quelque soit son apparence.
Malheureusement les pauvres hommes que nous sommes s’attachent plus à la forme de l’arbre qu’au fruit qu’il porte. Et je crois que c’est cela que le Seigneur Jésus souligne ce matin dans l’évangile : quand dans notre jugement l’apparence prend le pas sur le fond nous perdons le sens de la communauté pour entrer dans celui de la coterie et de l’entre-soi. Nous préférons n’être qu’avec des arbres qui nous ressemblent et qui portent les mêmes fruits que nous. Vous comprenez pourtant qu’une coupe pleine de pommes est moins attirante qu’une coupe remplie de fruits multiples et variés.
Une seconde chose nous heurte et nous gêne dans les propos de Jésus ce matin c’est leur radicalité qui semble classer les gens de manière définitive nous laissant l’impression qu’on est à moitié fini, qu’on n’a pas encore beaucoup progressé sur le chemin de la perfection, qu’on se trouve dans la mauvaise corbeille. En effet, nous ne portons pas que du bon fruit et nous n’avons pas toujours le désir de porter des fruits différents. Ou bien encore nous passons notre temps à scruter la corbeille des autres pour y repérer le fruit pourri qu’on va s’empresser de saisir pour le jeter à la poubelle.
Car il faut bien le reconnaître, ces travers que nous avons tous sont toujours des poutres dans l’œil des autres et des fétus de paille dans le nôtre… Evidemment c’est la voisine, mon mari, la dame des fleurs ou de la chorale, mon épouse, mon ami qui doit changer, moi je vais très bien ! Et on se croit alors chargé de faire le ménage chez les autres et au nom de la charité, bien sûr, d’enlever les fruits pourris de sa vie en lui disant ses quatre vérités.
C’est qu’il ne faut pas prendre séparément les enseignements de Jésus, mais se rappeler qu’ils sont tous utiles et à appliquer ensemble pour grandir en sainteté, c’est-à-dire dans le fond vivre une vie de plus en plus cohérente, harmonieuse. Comme le dit Jésus qui est notre parfait modèle : Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître.
Thibault, dans un instant par ton baptême que tu prépares depuis plusieurs mois, tu choisis d’emprunter le chemin de la sainteté et du perfectionnement. Tu vas devenir à ton tour un disciple de Jésus et te mettre à son école. Et par ta première communion qui t’autorise à recevoir chaque jour l’Eucharistie si tu le souhaites, tu vas permettre à Jésus de te former de jour en jour en te façonnant un cœur qui sait écouter et choisir le bien et une volonté capable de l’accomplir.
Peu à peu Jésus va faire de toi un arbre capable de porter de bons fruits, car c’est la vie de Jésus qui sera la sève qui circulera dans tout ton être et qui nourrira tes pensées, tes projets et tes actions.
Frères et sœurs ce qui vaut dorénavant pour Thibault vaut aussi pour nous de la même manière depuis le jour de notre baptême et à chacune de nos communions. Laissons bien Jésus agir en nous, descendre dans le fond de notre cœur (et non au fond de notre estomac) pour qu’il agisse et purifie autant nos pensées que nos paroles et nos actions afin de nous rendre plus cohérents et plus harmonieux. Ainsi nos paroles seront le reflet de nos pensées et nos actions la véritable illustration de nos paroles. Alors comme dit Paul aux corinthiens : vous serez fermes, inébranlables, et vous pourrez prendre une part toujours plus active à l’œuvre du Seigneur. Que puis-je vous souhaiter de plus ? Sinon d’être des témoins véridiques du Christ ! Que votre communion soit le signe de votre adhésion au Christ c’est le plus beau témoignage que vous puissiez rendre à Thibault ce matin. Amen