
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc : En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés. Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait. Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent. Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.
« Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Combien de fois avons-nous pensé ou prononcé cet adage pour justifier de profiter maintenant de ce que l’on a au lieu d’attendre de profiter plus tard d’une meilleure offre ? Oui nous préférons un moindre concret immédiat à une plus attrayante promesse dont la réalisation future reste hypothétique. Ne le dit-on en effet que : « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». Si ça ne va pas de soi de percevoir l’avenir comme l’accomplissement d’une promesse pour les choses de la terre, je crains malheureusement que soit encore plus difficile pour les réalités célestes promises par Dieu. Et cela n’est pas nouveau puisque déjà Paul quand il écrit aux Philippiens dans les années 60 cite ceux qui ne pensent qu’aux choses de la terre.
Notre société de l’immédiateté construite sur un individualisme farouche a sombré dans l’horizontalité. Tellement peu de gens désormais lèvent les yeux pour voir au loin, pour voir plus loin que la triste situation présente de leur vie. Comme le constate Paul dans la 2ième lecture « je le redis en pleurant : beaucoup de gens se conduisent en ennemis de la croix du Christ. ». C’est que la croix est le signe flagrant et incontestable d’un monde nouveau et meilleur, qui est déjà advenu et encore en devenir. La croix du Christ est la clé de la porte désormais à jamais ouverte sur le royaume de Dieu : on peut déjà l’apercevoir et avec certitude savoir qu’on peut s’y rendre ; ce qui fait écrire à Paul « Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux ». Notre espérance est alors que se réalisent les promesses du Christ. Nous croyons que ce qu’Il a vécu Il nous permettra de le vivre à notre tour, ce qui fait dire à Paul « nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux. »
Et notre espérance ne repose pas sur du vent mais sur une expérience concrète vécue par les apôtres et que nous vivons à notre tour au cours des siècles à travers les sacrements. Cette expérience concrète c’est celle qui nous est relatée dans l’évangile ce matin. Pierre, Jacques et Jean sont les témoins directs et visuels de la transfiguration du Christ. Au sommet de la montagne qu’ils ont gravie avec leur Maître, ils font une triple expérience qui affermit leur foi (et la nôtre) :
1- Jésus s’inscrit dans la foi de leurs pères.
La présence auprès de Jésus de Moïse et d’Elie qui représentent la loi et des prophètes, mais aussi la fidélité et l’espérance, permet aux 3 apôtres de découvrir que Jésus s’inscrit dans la foi des pères. Il est celui par qui le Dieu fidèle tient ses promesses.
Alors profitons du carême pour relire les étapes de notre vie, et y saisir combien Dieu est présent et fidèle dans notre histoire personnelle, dans les choix que nous avons posés.
2- Le Dieu Unique et Trinitaire se révèle à eux (Théophanie)
Jésus transfiguré dévoile à ses apôtres sa nature divine, les paroles surgies de la nuée qui survint et les couvrit de son ombre (symbole de l’Esprit Saint) leur confirme la Paternité de Dieu : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! ».
3- L’humanité tout entière est appelée à être divinisée.
Si Jésus est bien le Fils de Dieu qui réalise ses promesses en se faisant homme, alors en lui se révèle aussi notre avenir. C’est la conséquence que Pierre tire de son expérience au Tabor et qu’il partage dans sa 2ième lettre où il affirme que la vocation des croyants est de devenir participants de la nature divine.
Alors profitons du carême pour nous contempler les uns les autres différemment, comme des Fils et filles de Dieu, en devenir, avec tout ce que cela exige de changer dans notre comportement, nos paroles, nos actes (respect de notre corps et de celui des autres comme Temple de Dieu, etc.).
Et pour que cela se fasse au cours des âges, pour que notre transformation soit totale, Paul rappelle aux Philippiens que Jésus peut agir avec la puissance active qui le rend même capable de tout mettre sous son pouvoir. Cette puissance c’est l’Esprit Saint qui œuvre à transfigurer ce monde, à y faire advenir le Royaume et à en préparer ses futurs concitoyens. Oui, l’Esprit Saint œuvre, à travers les sacrements, à diviniser les humains. Par les sacrements Jésus achève en nous l’œuvre qu’il a commencé sur la croix. A travers les sacrements Jésus se dévoile comme le Dieu présent au plus près de nous, comme le Dieu fidèle qui nous accompagne tout au long de notre vie. Par les sacrements de l’initiation chrétienne (B, C et E) Christ nous transforme en Fils et Fille de Dieu en nous nourrissant de sa propre vie.
Alors ce matin, comme les trois disciples gravirent le mont Tabor pour vivre la transfiguration, nous sommes venus jusqu’à l’église pour cela aussi : contempler le Christ présent dans le sacrement de l’Eucharistie et le laisser nous transfigurer pour que se réalise au jour qu’il aura choisi sa grande promesse : là où je suis vous serez vous aussi. Amen